Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Ducati Multistrada V4

Il y a des messages qui ne passent pas inaperçus. Celui-ci était pourtant très court "Essaye moi".

Mais, positionné sur le pare-brise de la nouvelle Ducati Multistrada exposée chez le concessionnaire de Pau Lons, je l'avais perçu comme une invitation ne pouvant se refuser. Il faut dire que ce trail routier équipé du moteur  de la sportive Panigale avait de quoi m'interpeler. Même si le moteur avait perdu 44 chevaux dans l'opération, il en restait malgré tout 170!

Les essais dans la presse étaient élogieux pour cette moto qui semblait réunir un ensemble de qualités impressionnant au point de concurrencer la reine des gros trails, la BMW R 1250 GS.

Je me suis donc laissé guider par mon envie de prendre le guidon de cette belle Ducati afin de me faire ma propre idée. Je sais en effet qu'il y a parfois des différences notables entre les conclusions des journalistes et les miennes. L'utilisation qu'ils font des machines est plus extrême, avec des motos poussées dans leurs derniers retranchements, leur niveau de pilotage est supérieur au mien; il en est aussi peut-être de même de leur degré d'inconscience quand je lis ce qu'ils se permettent sur route ouverte…

Personnellement, il y a dans mon cerveau une zone rouge que je refuse de franchir car j'ai alors le sentiment d'être en décalage avec mon environnement et  tout simplement parce que je n'ai pas envie de me faire mal. La fragilité du motard démuni de toute carrosserie protectrice est un sentiment bien ancré en moi. Et le fait de porter un gilet air-bag depuis plus d'un an n'a pas modifié mon comportement.

Le soleil de ce 2 octobre 2021 m'a donc poussé à rendre visite à la concession Ducati et, bonne nouvelle, le panneau que j'avais vu affiché une semaine plutôt n'était pas de la publicité mensongère. J'ai bien droit à un petit essai de ce trail haut de gamme.

Manipulation devenue obligatoire sur une grande majorité de machines dorénavant, le vendeur règle les paramètres du moteur. Entre les mode Rain et Sport, j'opte pour la position intermédiaire, cette dernière paramétrant en outre les suspensions en position souple.

Avant de m'installer dessus, je n'ai pu m'empêcher d'examiner cette moto dont l'intégration du moteur est saisissante. Le V4 réussit l'exploit d'être plus léger que le V2 et sa compacité saute aux yeux, même si l'on sent qu'il n'y a pas de place perdue. Le moindre espace a été utilisé pour installer le moteur et ses composants.

Une pression sur le démarreur et immédiatement, je note un sacré changement acoustique chez la marque italienne. Le V4 se fait discret alors que je quitte la concession sur un filet de gaz. C'est pourtant un échappement Akropovik qui équipe la moto. S'ajoute à cela une douceur de fonctionnement assez inhabituelle chez Ducati. Le moteur montre une très bonne volonté dans la circulation paloise et c'est une excellente surprise car je suis très sensible à ce trait de caractère.

Au niveau de la position de conduite, je trouve que le  large guidon est trop bas et en arrière. Pour en rester aux critiques, la course du sélecteur est trop importante et cela nuit à cette continuité que j'aime instaurer dans  la montée des vitesses.

Le tableau de bord est tout numérique comme cela est devenu la règle mais le compte-tours a eu la bonne idée de reproduire ce qui m'a accompagné pendant des décennies, la bonne vieille aiguille lisible instantanément, d'autant qu'il est de grande dimension.

Clignotant à gauche pour rejoindre ce tronçon routier idéal pour tester en peu de temps une moto, entre Artiguelouve et Lacommande. Virages variés, dénivelés, route parfois bosselée et même quelques ralentisseurs dans le village, rien de tel pour se faire une idée précise du potentiel d'une moto.

Sortie d'Artiguelouve, je peux commencer à hausser le rythme. La moto réagit bien sur les inégalités du revêtement avec des suspensions souples et bien amorties. Je note toutefois sur certaines cassures franches une réaction un peu ferme de la fourche. Il faut relativiser mon point de vue car je suis un adepte des trails aux grands débattements et d'un train avant absorbant les chocs comme peut le faire une Africa Twin ou une Ténéré 700.  Sur cette Ducati, je ressens un peu plus de rigidité mais celle-ci me semble assez cohérente avec les performances affichées par la machine qui nécessitent une rigueur dans le comportement routier. Quant au freinage, RAS. Il est puissant avec un effort minime au levier.

Dans la montée qui suit, je garde une petite réserve car le poids de la Ducati reste sensible dans les enchainements de virages serrés quand on bascule la moto d'un angle sur l'autre. J'avais le souvenir de sa petite sœur, la Multistrada 950,  plus facile à emmener dans le sinueux. C'est dans ces moments que je regrette de ne pas avoir un guidon plus en avant et plus haut pour mieux diriger l'ensemble. Le moteur est impressionnant de facilité et de puissance. Il fait preuve d'une docilité à toute épreuve mais on sent que les chevaux piaffent d'impatience sous le réservoir et l'arrivée de l'aiguille du compte-tours sur le chiffre 4 provoque une réponse musclée. Sur mon parcours très sinueux, je ne dépasse pas les 6000 tours/minute et, même en me limitant à ce régime, ça dépote!

Après un bref arrêt pour une petite séance photo, je constate que le moteur dégage beaucoup de calories. J'en déduis que ce V4 de 1158  cm3 a besoin de grands espaces pour s'exprimer et je réalise que ce court essai d'un peu plus de 30 minutes va générer de la frustration. En effet, je pense que j'aurais besoin d'un peu de temps à son guidon pour me lâcher un peu plus dans les virages, pour tester la stabilité dans les courbes que je pressens excellente, pour apprécier dans la durée le confort qui me parait de haut niveau.

 

Sur le chemin du retour, je décide de tester le shifter car je ne suis pas entièrement satisfait de mes passages de vitesses que je n'arrive pas à gérer au mieux. Je dois reconnaitre que c'est ma marotte, la montée et descente des rapports de la manière la plus fluide possible; c'est un exercice que j'affectionne et qui participe pleinement au plaisir du pilotage d'une moto. Le shifter installé sur cette Multistrada  se montre très réactif, il permet une utilisation à bas régime et il fonctionne également très bien au rétrogradage. Un signe ne trompe pas, je l'adopte et décide de me passer désormais de l'embrayage. Autant cet accessoire avait eu un effet repoussoir sur les BMW que j'avais essayées (GS 1200, GS 750 et 800, 900 XR), autant une excellente gestion de l'électronique comme c'est le cas ici (ou sur la KTM Adventure 790 exemplaire elle aussi dans ce domaine) apporte un réel plus dans le confort de conduite. Et pour un roule toujours comme moi, c'est un point important.

Un demi-tour me permet de constater que le rayon de braquage est bon. On est loin de celui que j'avais pu maudire il y a bien longtemps sur une Ducati 888 mais aussi sur une Ducati 900 Mostro pourtant moins exclusive. C'est ce genre de détail qui montre à quel point les Ducati ont évolué dans le bon sens. Autrefois réservées à des passionnés qui passaient outre les défauts de leur moto, elles sont devenues d'un abord facile mais n'ont rien perdu de leur caractère. Car, dans le cas présent, même amputé de 44 chevaux, ce V4 montre des ressources incroyables. J'ai profité d'une courte ligne droite pour laisser l'aiguille du compte-tours s'aventurer un peu plus haut … je me suis arrêté à 8000 tours/minute en 3ième. La moto, sous l'impulsion de la poignée de gaz, s'appuie sur le pneu arrière pendant que, côté pilote, il y a alors une sensation de puissance extraordinaire mais tout cela se passe sans une once de brutalité, avec une moto d'une stabilité totale sous le déferlement des chevaux. C'est impressionnant et effrayant à la fois car, en quelques courtes secondes on rentre dans une autre dimension en déconnexion totale avec son environnement. 

Au final, je ne peux m'empêcher de me poser la question: mais à quoi peut bien servir une telle puissance?

 

 

 

Je savais avant d'essayer cette Multistrada qu'elle était aux antipodes de ce que je recherche sur un trail mais je tire mon chapeau à Ducati d'avoir réussi à adapter un moteur initialement destiné à la compétition à un modèle routier. Car il est évident que cette moto est une excellente routière, même si ma trop brève prise en mains ne m'a pas permis de découvrir toutes les facettes de sa personnalité. Mais, j'ai pu apprécier l'homogénéité de l'ensemble , l'équilibre général de la moto dont j'ai entre-aperçu les possibilités sur des longs parcours. Le duo chargé doit très bien lui convenir et cette fabuleuse réserve de puissance faire partie du plaisir que l'on doit éprouver à son guidon même si, dans la réalité, on ne pourra que très rarement exploiter tous ces chevaux disponibles.

La Ducati Multistrada V4? Je peux dire maintenant que c'est une sacrée machine!