Il y a toutes sortes de collectionneurs, certains ayant même opté pour les boîtes de camembert ! Heureusement pour nous, dans un village de Dordogne, vit un homme passionné qui a jeté son dévolu sur la Honda XL 125. Elle et seulement elle !
Entendons-nous bien, seule la XL est concernée. Exit les XLS, et celle qui a été à l’origine du trail 125 chez Honda, la SL. D’où lui est venue cette envie ? Je crois qu’il est inutile de chercher à donner une explication à une histoire d’amour. Et ce n’est pas moi, dont le coeur chavire lorsqu’il entend (très rarement) le doux bruit du quatre temps culbuté de la Honda 125 CG qui suis le mieux placé pour le faire…
Pour arriver chez ce passionné du petit monocylindre japonais, il faut se rendre dans le très beau département de la Dordogne qui marie une nature préservée, des villages enchanteurs, des sites préhistoriques renommés et des routes de rêve pour les motos et, cerise sur le gâteau, une gastronomie locale qui ravit les papilles.
A la sortie du village de Vézac, se trouve la petite maison où vivent Hervé et Martine. Dès le seuil franchi, je comprends que j’ai pénétré dans un endroit dédié à une moto ayant fait le bonheur des adolescents des années 70. Il ne s’agit pas de ces modèles que l’on qualifie parfois de mythiques. Non, celle qui fait l’objet d’une véritable adoration de la part de ce Nantais d’origine est une moto modeste munie d’un moteur à la simplicité affirmée. S’il n’y avait ce réservoir orange témoignage d’une époque où les couleurs pimpantes étaient à la mode, on passerait presque à côté d’elle sans y prêter attention.
L’histoire avait pourtant mal commencé. Hervé a passé le permis 125 cm³ (à l’époque, il s’agissait juste d’une épreuve théorique concernant le code de la route) poussé par son entourage. Il en fut de même pour l’achat de sa première moto . Ce sont les copains qui l’ont encouragé dans cet acte. Cela ne lui était même pas venu à l’esprit. Il était simplement heureux d’avoir obtenu le précieux sésame juste avant une augmentation des tarifs de passage du permis !
C’est donc le 2 janvier 1980 que le jeune Nantais se porte acquéreur d’une Honda 125 XL orange d’occasion. Cela aurait pu être le début d’une belle histoire avec cette moto mais Hervé a alors des fourmis dans les jambes et préfère partir sur la route, en auto-stop, avec un copain, direction l’Allemagne. La perspective d’un prochain service militaire ne l’enthousiasme guère, c’est le moins que l’on puisse dire et il a entendu dire qu’un long séjour à l’étranger pouvait lui éviter cette obligation à l’opposé de ses convictions. En fait, il passera deux mois à vagabonder sur les routes et, après un dernier passage en Italie, il s’en retournera à la maison.
Au cours des années suivantes, il se consacrera à son métier de boulanger.
C’est en 1986 que son intérêt pour la XL 125 se manifeste chez lui. Il en achète une, fait la vidange et utilise l’huile … pour la badigeonner en vue d’une utilisation ultérieure. L’histoire d’amour n’en est alors qu’à ses balbutiements!
Les années s’écoulent et il possédera plusieurs motos mais point de XL 125.
Devenu jeune marié, l’arrivée du jeune couple en Dordogne va tout déclencher. Hervé a un local à sa disposition et il rapatrie la moto de Nantes pour s’atteler enfin à sa restauration. Celle-ci s’achève à la fin de l’année 1992. Le coup de kick pour réveiller la mécanique endormie depuis bien longtemps constitue un beau cadeau de Noël.
La machine est lancée, rien ne pourra l’arrêter.
A partir de ce moment-là, Hervé ne déviera plus son intérêt pour le petit mono de la gamme Honda. Il entamera ses recherches sur tout ce qui concernait ce modèle. Et le terme « tout » ne fait que décrire la réalité. C’est ce dont je prends tout de suite conscience en balayant du regard le salon dans lequel on m’invite à m’asseoir. Difficile de ne pas être happé par cette passion dévorante. Les objets, revues, brochures, documents ayant trait au monocylindre japonais se disputent l’espace. Sur le canapé où je m’installe, un coussin à l’effigie de la petite Honda m’accueille. Les publicités d’époque sur ce modèle côtoient les revues sur le même sujet, faisant remonter les souvenirs de mon passé motard. Sur un coin de la table, j’aperçois un tableau récapitulant TOUTE la gamme des 125 Honda 1971 à 2010, avec les dénominations précises du constructeur. Il y a aussi ce tee-shirt accroché à un cintre rendant hommage à la XL, les tasses avec le sigle de la Honda XL et la lampe qui lui fait honneur. Au secours, je suis cerné !
Dans un coin de la pièce, il y a la pièce maîtresse de cette riche collection, un éclaté du moteur à 4 temps qui a contribué à la réputation du premier constructeur mondial, permettant de visualiser son fonctionnement avec toutes les pièces mécaniques en mouvement. C’est à la scie à métaux qu’Hervé a patiemment procédé au découpage précis du bloc ! Quand je lui demande combien de temps cela lui a pris, il se contente de me dire que ce fut long. Mais le résultat est probant, c’est ce que je peux constater quand il actionne le moteur avec l’aide d’une perceuse.
Tout cela m’a mis l’eau à la bouche et c’est avec intérêt que je suis Hervé dans le garage attenant à la maison. Il n’y a pas beaucoup d’espace mais celui-ci est utilisé au mieux. Des dizaines de tubes de fourche côtoient les guidons, les cadres sont suspendus, attendant d’être choisis pour un futur remontage. Plusieurs moteurs attendent d’être rénovés.
Hervé possède 25 motos en pièces détachées. L’homme est du style organisé et chaque moto a ses papiers rangés dans un classeur détaillé.
Quatre XL 125 sont alignées, chacune avec sa couleur (orange, vert, blanc et bleu). J’aperçois toutefois un intrus qui a réussi à se glisser entre elles. Il s’agit de la XLS 125 de Martine. C’est vers ce modèle un peu plus moderne qu’elle s’est tournée, au grand désespoir de son passionné de mari. Après une longue résistance, il a fini par céder quand, lors de la réunion annuelle à Sancerre au cours de laquelle se retrouvent les possesseurs de cette moto, ces derniers lui en ont fait cadeau.
La discussion s’engage. Je pensais bien connaître ce modèle mais Hervé, intarissable sur le sujet, me prouve que j’ai encore quelques progrès à faire... Sa connaissance du modèle est totale et il me montre les changements apportés à telle série, avec un emplacement du blocage de direction changé, un réservoir en apparence identique mais dont il a existé trois modèles, l’installation de repose-pieds suspendus. Impossible de le prendre en défaut sur le sujet!
Alors que j’interroge Hervé sur la gestion de son stock de pièces, je prends soudain conscience qu’il n’est nullement question de commerce. Il vit une passion et se contente de la partager avec d’autres motards en les faisant profiter de ses larges connaissances en la matière. Dans une société moderne où la marchandisation devient la règle, une démarche axée sur l’entraide fait chaud au coeur.
Si d’aventure vous passez un moment dans la maison ; sachez que vous aurez de la lecture pour meubler le temps. Entre un exemplaire de toutes les revues ayant traité cette moto, les manuels d’utilisation, la revue moto technique, les publicités (ainsi que les barèmes des temps de réparation!) concernant la XL 125, vous aurez suffisamment de lecture pour ne pas vous ennuyer. Et, en cas de doute, vous aurez un spécialiste hors pair à portée de main qui pourra vous éclairer. C’est ainsi que j’ai appris l’existence de la XL dans cinq cylindrées différentes (50, 70, 100, 175 cm³ en plus de la 125 française).
Parler de moto, c’est bien, mais se mettre au guidon de l’une d’entre elles, c’est quand même beaucoup mieux. C’est ce que nous avons fait et j’ai pu goûter le charme de ce trail à l’ancienne avec une faible hauteur de selle, une agréable inertie mécanique et une belle musique diffusée par le pot d’échappement.
J’ai également pu essayer la 125 XLS plus moderne et, si cela vous intéresse, je pourrai vous conter une autre fois l’histoire de ce petit trail qui avait choisi la voie du temps envers et contre tous.
Cet article a été publié dans la revue Trail Adventure n°31 qui peut être commandée à l'adresse suivante:
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