Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Moto Guzzi V85 TT, la bella macchina

Mercredi 17 avril 2019. Sept heures. Une belle journée s'annonce alors que je prends mon petit déjeuner. Aujourd'hui, le programme est simple, ce sera moto et ..... moto.

Huit heures. Je laisse la moto chauffer quelques dizaines de secondes et c'est parti. Je dois reconnaitre qu'il est assez plaisant de croiser sur la route au sortir de Pau les nombreuses voitures avec, à leur bord, les personnes allant au travail. Pour moi, c'est une journée de liberté et je réalise ma chance. Cent cinquante kilomètres m'attendent. Je quitte rapidement la trop monotone route nationale pour un itinéraire plus sinueux où je me sens bien mieux.  Ma moto aussi, ça tombe bien! Il est vrai qu'elle est comme un poisson dans l'eau dès que les virages s'annoncent. Elle se balance de l'un à l'autre avec une grande facilité et cela me donne le sourire sous mon casque.

Deux heures et demi plus tard, j'arrive à Lectoure et rejoins la concession de Patrick Salles. J'étais venu ici il y a un an pour faire connaissance avec une marque que je ne connaissais que de réputation et j'avais pu prendre le guidon d'une Moto Guzzi V7 Stone. Après mon petit essai, nous avions parlé de la future moto du constructeur. J'avais été séduit par le prototype présenté au salon EICMA 2017 et je lui avais donné rendez-vous pour venir la voir dès la sortie du modèle définitif. 

Il y a une ribambelle de motos devant le magasin mais pas la V 85 TT puisque c'est d'elle qu'il s'agit. Mon inquiétude est vite balayée, elle est en essai, m'indique le vendeur. Il rajoute qu'elle fait l'objet d'un engouement jamais vu, les huit motos pré-commandées par la concession ont déjà été vendues. Je ne suis pas étonné, la moto semble vraiment bien née et les essais de la presse lors de la présentation en Sardaigne ont été dithyrambiques. Il me décrit la moto et m'informe que le moteur a été élaboré chez Aprilia qui fait partie du même groupe Piaggio.

Plus tard, j'entends la moto qui revient. Elle a un beau bruit un peu grave. Je vais discuter avec le motard qui possède une KTM 1050. Il a le sourire, la moto lui a bien plu. C'est mon tour, j'ai un peu plus de deux heures, pendant la pause de midi, pour faire connaissance avec cette belle machine. Elle est vraiment superbe dans ce coloris.

Le vendeur m'explique brièvement le fonctionnement du tableau de bord avec des réglages très simples des modes moteur (route, pluie, tout terrain) via un bouton situé à droite du guidon.Un autre bouton au dessus permet de faire défiler les différentes informations. A gauche, il y a le cruise control.

Bouchons d'oreilles et casque enfilés, je m'installe sur une selle plutôt large et au revêtement très agréable. La hauteur de selle est raisonnable et je pose une bonne partie du devant des pieds avec mon 1,74 m. Première, je lâche l'embrayage; ce dernier est d'une grande onctuosité. Je monte les six rapports; cela se fait en douceur avec juste un discret clac. On dirait que Moto Guzzi a bien travaillé sur la transmission!

Je me sens bien installé dessus avec une position naturelle; le guidon large tombe bien sous les mains.

Je suis frappé par la souplesse du bicylindre. On peut descendre à 2000 tours/minute en sixième, aux alentours de 50 km/h et réaccélérer en douceur. Très intéressant pour ceux qui, comme moi, aiment parfois rouler en laissant la moto faire le travail. Cela permet des traversées de village sur le dernier rapport. Le bruit distillé par l'échappement est très plaisant, il ne ressemble à aucun autre.

Un panneau indiquant "Gravillons sur six kilomètres" me contrarie l'espace d'un instant. Heureusement, il y a une petite route sur la droite que je m'empresse d'emprunter, en direction du château de Plieux. C'est étroit et bosselé. Tant mieux, ce sera l'occasion de tester les suspensions. Je constate très vite que c'est un petit peu ferme pour moi. L'avant réagit un peu sèchement et l'arrière manque lui aussi de souplesse. Je dois préciser que je suis très exigeant en la matière après avoir côtoyé l'extrême souplesse de ma XLV 750 et de mes Transalp 600 pendant plus de 600 000 kilomètres! Objectivement, cela reste très correct et peut-être une intervention sur les suspensions peut améliorer cela ( la fourche et l'amortisseur sont réglables).

Il y a en a un qui me séduit, c'est le moteur. Il possède deux visages. De 2 à 3500 tours/minute, il emmène l'équipage en douceur, sans le moindre à-coup et, à 3500 tours/minute, il prend de l'ampleur. Ce n'est pas un déchaînement de puissance; non, c'est bien mieux que cela, une poussée très nette, une force tranquille qui fait défiler les chiffres du compteur. J'adore cette manière de délivrer la puissance. A la sortie de Miradoux, je me retrouve rapidement à 130 km/h à 5000 tours/minute. Mes craintes étaient justifiées, le petit pare-brise est notoirement insuffisant; pour celles et ceux qui roulent beaucoup, il faudra investir dans un élément plus haut. Je m'interroge également sur l'efficacité du garde-boue relevé en cas de roulage sous la pluie; je pense que la protection contre les projections d'eau sera limitée. A voir à l'usage.

Mon itinéraire est parsemé de nombreuses courbes, plus ou moins fermées, et le châssis se montre sous ses plus beaux atours. La partie cycle se révèle irréprochable et une poussée sur le guidon suffit à placer avec précision la moto sur sa trajectoire. Elle forme avec le bicylindre un ensemble très homogène. Les pneus Michelin Anakee Adventure semblent jouer aussi leur rôle dans cet équilibre général car ils permettent une mise sur l'angle progressive, évidente.

Le tableau de bord est très lisible, bien qu'assez petit. Aucune vibration dans les rétroviseurs. Décidément, cette moto italienne semble bigrement réussie! Je ne peux m'empêcher de la comparer à la KTM 790 Adventure que j'ai essayée il y a à peine quatre jours. D'un côté, il y a une moto autrichienne, un monstre d'efficacité avec un moteur presque trop vivant pour moi, un châssis exceptionnel qui va ravir les motards adeptes d'une conduite sportive et, aujourd'hui, je suis au guidon d'une moto italienne aux qualités routières sûrement inférieures mais, en fait, cela m'importe peu. En effet, elle me semble plus accessible, plus conforme à ma conduite coulée-rapide, j'ai le sentiment que je ne serais jamais dépassé par ses possibilités. Elle me parait plus "humaine", plus proche du motard que je suis. Et elle dégage du charme, cette moto venue de Mandello del Lario. Au ralenti, ça vit sous le réservoir, le V-twin transmet ses pulsations, mais le petit coup de gaz ne génère qu'un couple de renversement modéré; la moto bascule légèrement, juste pour dire au motard au dessus qu'il est bien sur une Moto Guzzi !

Je suis sur le chemin du retour, appréciant toujours ce moteur vivant mais pas caractériel qui donne l'impression d'avoir une cylindrée plus élevée que ses 853 cm3. Les vitesses s'enclenchent rapidement et en douceur mais avec souvent un très léger clac que je ne parviens pas toujours à éviter. Ce n'est qu'un détail, mais je dois préciser que je suis un maniaque du passage de vitesses en douceur et en silence!

Quant aux freins, ils assurent le travail, en harmonie avec le reste de la moto, efficaces mais sans aucune brutalité.

Je suis en troisième à basse vitesse et je fais une tentative d'accélération; je m'arrête à 6000 tours/minute, je sens que c'est contre-nature avec ce moteur, même s'il aurait manifestement continué à grimper dans les tours; c'était plus fort que moi, j'ai dû le couper dans son élan en rendant la main Son terrain de prédilection, c'est la plage 2000 à 5000 tours/minute. Au delà, il me donne l'impression de ne plus être dans son élément. Je me souviens d'ailleurs avoir été choqué en regardant les essais vidéos de la presse réalisés lors de la présentation de la moto en Sardaigne. J'avais trop entendu le bicylindre poussé dans ses derniers retranchements, à des hauts régimes qui ne lui convenaient manifestement pas. J'en ai la confirmation aujourd'hui. Pour ma part, cela me va très bien car ce que j'aime avant tout, c'est cette partie basse du compte-tours exploitable en permanence au quotidien et qui génère beaucoup de plaisir de conduite.

Je rentre dans la cour de la concession encore fermée. J'en profite pour détailler la machine. La finition me parait excellente, c'est propre et net. J'aime beaucoup le côté monolithique du bloc moteur avec cette apparente simplicité qui s'en dégage.

Elle m'a fait de l'effet, cette Moto Guzzi. Je trouve qu'elle a su garder sa personnalité tout en se "japonisant": embrayage onctueux, boîte de vitesses douce et précise, partie-cycle facile et efficace, position de conduite naturelle, je me suis senti quasiment tout de suite comme à la maison dessus.  Je dis quasiment car elle a toujours son V-twin unique dans la production motocycliste secondé par un cardan sans reproche (je l'ai totalement oublié ce qui est un très bon signe), le petit va et vient latéral lors d'un coup de gaz, et ses bonnes vibrations.

Le constructeur italien a réussi son coup en proposant ce trail routier. Différent de la production motocycliste mais avec un étalage de qualités propre à attirer les motards qui, comme moi, avaient fini par oublier cette marque bientôt centenaire. Je suis certain que l'on va en voir beaucoup sur les routes européennes dans les années qui suivent. J'en connais qui vont devoir faire des heures supplémentaires pour assurer la production en Italie!