Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Kawasaki KLR 600 (1985). Le monocylindre technologique.

Ayant construit sa réputation avec des motos à caractère sportif, Kawasaki a négligé dans un premier temps le créneau des trails. Mais, devant l'énorme engouement généré par cette catégorie de motos, le constructeur japonais décida d'investir ce marché en y rajoutant une touche de technologie pour se démarquer de la concurrence.

 

 

 

Dans les années 80, le gromono était devenu un nom commun répandu dans le milieu motard. Le monocylindre 4 temps était devenu incontournable pour les constructeurs qui souhaitaient investir un créneau en pleine expansion, celui des trails.

Les constructeurs japonais avaient alors le vent en poupe et se partageaient ce marché juteux. Les DR, XLR, XT et autres Ténéré essaimaient sur le territoire français. Il y avait un absent de marque . Kawasaki était le trublion des quatre fabricants, celui qui avait produit la H2, un trois cylindres explosif mais aussi, dans le domaine du trail qui nous intéresse, la Big Horn 350 essentiellement destinée à l'énorme marché américain en 1970. Son domaine de prédilection, c'était la moto de caractère et sportive.

 

 

 

Ce fut donc tardivement, en fin d'année 1983, que la firme d'Akashi décida de rentrer dans le jeu en présentant sa KLR 600. En tant que dernier arrivant, il était bon de se distinguer des trois concurrents. C'est ainsi que le moteur était doté d'un refroidissement liquide et d'un double arbre à cames en tête. On s'éloignait peu à peu de la simplicité initiale du monocylindre, d'autant que l'on trouvait deux (!) carburateurs chez la concurrence et des arbres d'équilibrage.

 

 

 

La simplicité du monocylindre aux oubliettes

 

Le but était d'accroître les performances du moteur. Un double arbre à cames permettait d'alléger les masses en mouvement alternatif puisque les soupapes n'étaient plus actionnées par l'intermédiaire de basculeurs mais directement. Cela ouvrait la possibilité de régimes plus élevés d'autant que cette technique s'accompagnait de cotes hyper carrés. Cela se traduisait par une zone rouge à 8000 tours/minute, ce qui commençait à faire beaucoup pour une telle cylindrée unitaire !

 

 

L'adoption du refroidissement liquide avait une autre finalité, celle de réduire les bruits mécaniques et surtout d'homogénéiser des températures autour du cylindre en évitant ainsi les surchauffes lors des évolutions à basse vitesse rencontrées en tout terrain ou dans les embouteillages citadins. Car un trail, c'était cette polyvalence qui permettait de fréquenter les chemins durant le week-end après avoir arpenté les rues encombrées de la ville au cours de la semaine.

 

 

Malgré (ou à cause?) de cette technologie, la Kawasaki ne rencontra pas un grand succès. On lui adjoindra d'ailleurs assez rapidement une KLR 650 plus routière dès 1986.

Le modèle essayé appartient à François, un passionné de trails des années 80 qui passe plus de temps à les remettre en état qu'à rouler avec. Il reste discret avec sa couleur blanche moins voyante que le vert propre aux Kawasaki.

 

 

La qualité au rendez-vous

 

Avant de s'installer dessus, l'examen de la moto vaut le détour. La qualité de fabrication est indéniable. L'arrière du cadre démontable est en alu (une première sur un trail) et il en est de même pour la platine supportant les repose-pieds passager. La KLR 600 porte très bien ses presque 40 années. On pourrait presque la croire fraîchement sortie des chaînes de fabrication. J'éprouve un certain soulagement en me mettant au guidon. Il y a le petit bouton magique, à droite, celui qui permet de démarrer le monocylindre d'une simple pression. Comme ses rivaux, Kawasaki a vite compris la nécessité de faciliter le quotidien du motard. Avec toutefois l'inconvénient d'une prise de poids de 8 kilos partagé entre le moteur, la batterie surdimensionnée et le pignonnerie d'entraînement. La présence de cet équipement est d'autant plus judicieuse que le kick est long et positionné trop haut, ce qui oblige à démarrer la moto béquillée, debout sur les repose-pieds, avec pour conséquence une béquille latérale ayant tendance à rendre les armes rapidement.

 

 

Premier constat, on est assis haut et seule la pointe de mes pieds touche le sol. Heureusement, la moto est fine à l'entrejambe.

 

 

 

Un moteur réjouissant

Le monocylindre se réveille dans un bruit que je qualifierai de puissant. Une fois à température, les bruits mécaniques s'estompent. Il est temps de rouler. Embrayage doux, boîte de vitesses rapide et précise, les premiers tours de roues sur les chemins environnants sont placés sous le signe de la facilité. Le moteur est étonnant. Il produit un martèlement que je trouve personnellement très sympathique mais se révèle pourtant souple, qualité bienvenue pour cet essai qui va se faire en grande partie en tout-terrain. Vraiment bien rempli à bas régime, il reprend dès 2500 tours/minute avec une vigueur réjouissante. Mais l'arrivée de la puissance n'est pas violente et le pilote garde la maîtrise de la situation. Le refroidissement liquide joue son rôle et, par cette belle journée de début d'automne, l'aiguille du thermomètre reste cantonnée à des valeurs raisonnables.

 

 

 

L'autre sujet de satisfaction, c'est la qualité des suspensions. Le fourche absorbe très bien les chocs et l'amortisseur se révèle efficace. A noter que Kawasaki avait adopté avec ce modèle l'Uni-Track qui reprenait le principe du Prolink Honda avec l'amortisseur fixé au cadre par le haut et les biellettes en dessous, le plus bas possible pour abaisser le centre de gravité. Bref, la moto met en confiance avec une direction au guidage précis. Les freins sont au diapason avec une progressivité bienvenue. La position debout est naturelle (mais il faut préciser que le guidon est équipé de pontets le relevant légèrement) et le petit réservoir de 11,5 litres se fait oublier.

 

 

 

 

 

Cette moto méconnue mérite que l'on s'attarde sur elle. Sur route, elle poursuit son travail de séduction avec ce moteur bien rempli qui donne le sourire à chaque impulsion sur la poignée de gaz. Le train avant est en outre très sécurisant et j'inscris la moto dans les virages en toute confiance. A 5000 tours/minute, la moto roule à près de 110 kilomètres/heure et j'ai le sentiment qu'elle pourrait rouler indéfiniment à cette allure ; pour le pilote, il y a malgré tout cette pression du vent qui pourrait contraindre à quelques arrêts réparateurs pour les cervicales.

La souplesse du moteur est toujours aussi agréable, étonnante avec une telle cylindrée unitaire et il est possible de flâner à 50 kilomètres sur le 5ième et dernier rapport sans que le monocylindre ne renâcle. De par sa conception moderne (double arbre à cames, refroidissement liquide), on pourrait le croire apte aux montées en régime avec sa zone rouge à 8000 tours/minute, mais c'est dans la première partie du compte-tours qu'il se révèle le plus à l'aise en procurant un énorme plaisir à celui qui est au guidon. Une belle réussite.

 

 

Le frein avant est une disque avec un étrier à simple piston. Je n'ai pourtant pas eu de sueurs froides comme cela peut m'arriver en essayant ces ancêtres. Progressif et d'une puissance plus que convenable, il est efficacement secondé par le tambour à l'arrière. François m'indique qu'il a installé des plaquettes de qualité et je remarque la présence d'une durite de frein tressée qui doit jouer son rôle. Cela me confirme que je suis au guidon d'une moto dans un état irréprochable, avec un compteur affichant d'ailleurs 16 000 petits kilomètres.

 

 

 

En conclusion, on peut dire que la Kawasaki est une moto séduisante faisant preuve d'une belle homogénéité avec notamment un moteur cumulant caractère enjoué et facilité d'utilisation. Alors, pourquoi n'a-t-elle pas connu un succès à la hauteur de ses qualités ? Outre une esthétique un peu fade, surtout dans ce coloris, la réponse se trouve peut-être dans moteur gourmand en huile, source de déboires pour les motards négligents.

 

 

Achat d'occasion. Que vérifier.

La KLR 600 a eu rapidement une réputation de moto peu fiable avec un moteur fragile.

Le plus gros souci provenait des patins de chaîne de distribution ; ils s'usaient rapidement ce qui pouvait provoquer la casse de celle-ci.

Autre problème, une consommation en huile excessive. Kawasaki avait d'ailleurs réagi l'année qui avait suivi la commercialisation de la moto avec un segment racleur destiné à limiter cette consommation. Moto Journal indiquait à l'époque qu'elle était alors passée à 1/2 litre, ce qui restait malgré tout non négligeable quand on sait que le carter ne contenait que 2 litres. Pour les motards qui ne vérifiaient pas régulièrement leur niveau, (opération pourtant aisée du fait de la présence d'une lucarne), cela pouvait occasionner de gros soucis pour le moteur.

Chez certains motards, selon les témoignages d'un mécano de la marque, il y avait également cette manie de baisser le régime de ralenti au maximum pour profiter du pom-pom du monocylindre (la même maladie existait chez les possesseurs de Harley Davidson à la recherche du potato-potato de leur gros V-twin...). Mais la pompe à huile débitait alors insuffisamment à ces régimes et les arbres à cames appréciaient modérément cette lubrification réduite.

Malgré ces soucis, ce moteur a poursuivi sa carrière avec 97 cm³ supplémentaires en 1986 et des modifications destinés à le fiabiliser.

 

 

Kawasaki a persisté malgré une désaffection du milieu motard pour ce type de motorisation et ce monocylindre continue d'équiper la KLR 650 actuelle vendue sur le sol américain mais aussi en Australie . Un bel exemple de longévité !

 

 

 

Un grand merci à François Gautier, l'heureux propriétaire de cette Kawasaki (et d'autres beaux trails) et à son neveu Antoine qui a permis cette rencontre. A noter que ce dernier est aussi passionné que son oncle au point d'ouvrir un atelier de restauration à Bordeaux où les vieux trails sont les bienvenus: https://anima-motorcycles.com/

 

 

 Caractéristiques techniques :

 

Moteur :

 

Monocylindre 4 temps refroidi par eau

Double arbre à cames en tête entraîné par chaîne silencieuse

4 soupapes

564 cm³

45 chevaux à 7000 tr/mn

Couple maxi 4,9 mkg à 5500 tr/mn

1 carburateur à dépression de 40 mm

Carter humide

Démarreur électrique + ick

 

Equipement électrique :

Allumage électronique

Alternateur 150 W

Eclairage iode H4

 

Partie cycle :

Cadre tubulaire double berceau ; support de selle en aluminium

Chasse 122 mm

Suspension avant: fourche télescopique hydropneumatique 37 mm, débattement 230 mm

Suspension arrière : Mono-amortisseur Uni-track, débattement 230 mm

Frein avant : simple disque perforé, étrier simple piston, diamètre 250 mm

Frein arrière : tambour simple came, diamètre 130 mm

Pneus : AV : 3,00X21

AR : 5,10X17

Empattement : 1470 mm

Hauteur de selle : 870 mm

Garde au sol : 280 mm

Réservoir d'essence : 11,5 litres

Poids avec plein (vérifié) : 161 kg

Prix neuf en 1985 : 25993 francs (3962 euros)

 

 

Cet article a été publié dans la revue Trail Adventure n°32 qui peut être commandée à l'adresse suivante: 

https://boutiquecppresse.com/anciens-numeros-trail-adventure-magazine.html