Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Honda XL 600 LM (1985). A l’assaut de la forteresse Ténéré

 

La Honda XLM 600 avait une cible toute désignée lorsqu’elle arriva sur le marché en 1985. Il s’agissait de la Yamaha Ténéré qui rencontrait un énorme succès depuis deux ans. Le premier constructeur mondial se devait de réagir et il présenta un modèle qui, sur le papier, possédait tous les atouts pour affronter cette redoutable rivale.

 

 

Au cours des années 70-80, dans le milieu moto, on assista à un duel permanent entre Honda et Yamaha. C’était une époque bénie des dieux au cours de laquelle les constructeurs rivalisaient d’inventivité pour proposer une multitude de modèles. Les nouveautés se succédaient à un rythme effréné.


Dans le domaine du trail, Yamaha avait pris une longueur d’avance. Cela commença avec l’arrivée de la Yamaha XT 500 qui acquit en quelques années une réputation hors du commun grâce, notamment, à un engouement pour les rallyes africains où cette moto révéla ses qualités avec la victoire de Cyril Neveu lors des deux premières éditions du Paris-Dakar. Honda lui opposa la XLS 500 avec un temps de retard. Bien que plus moderne, elle ne connut pas le même succès auprès des motards.


Au salon de la moto de Paris en octobre 1982, Yamaha frappa un grand coup en présentant la Ténéré 600. Un nom au goût de Paris Dakar, un frein avant à disque, une suspension arrière Monocross à progressivité variable avec un débattement de 235 mm, et un réservoir de 30 litres promettant de longues virées africaines.


Dans la grande maison Honda, on n’avait rien à lui opposer, si ce n’est un kit Paris-Dakar destiné à la XLR 600 qui se limitait à lui adjoindre un plus gros réservoir de 20 litres et une décoration différente et l’on ne put que se lamenter devant le succès rencontré par la Yamaha.

 

 

 Avec un temps de retard…


Il faudra attendre le salon de la moto de Paris de 1984 pour voir celle qui voulait jouer dans la même cour que la Ténéré.

Honda avait mis le paquet pour rattraper son retard. Le moteur de la XLR 600 avait été modifié pour améliorer le couple à moyen régime (carburateurs de 28 mm au lieu de 30 mm, cotes moteur de 97 X 80 au lieu de 100 X 75) et l’adoption d’un démarreur électrique était là pour dispenser des séances de kick pas toujours évidentes avec de telles cylindrées unitaires. Esthétiquement, elle ne faisait pas dans la discrétion avec son moteur rouge, ses jantes dorées (avec des pneus tubeless, une première sur un trail), son phare à double optique et son réservoir de 28 litres. La filiation avec les modèles du Paris-Dakar était bien marquée, ne serait-ce qu’avec une hauteur de selle culminant à 890 mm !


Il ne lui manquait qu’un nom, à cette machine, pour ajouter un peu de rêve. Ce ne sera malheureusement pas le cas. Peut-être que Honda avait déjà le regard tourné vers l’avenir, celui qui accueillerait une nouvelle génération de motos dotées de moteur bicylindres modernes refroidis par eau avec l’arrivée de la Transalp et de l’Africa Twin. C’est ainsi que cette XLM 600 fit un passage éclair durant deux courtes années.

C’est dans le très beau cadre des vignobles du cognac que l’essai de cette moto est réalisé. La moto appartient à Jonathan. Elle est dans un état irréprochable. Pour ceux qui se poseraient des questions sur la sacoche en cuir trônant à l’arrière de la moto, sachez qu’elle s’inspire de celles que l’on voyait installées sur certaines motos des privés du Paris-Dakar et destinées à emporter l’outillage nécessaire pour affronter ce marathon mécanique sur les terres africaines.

 


Il faut lever la jambe bien haut pour s’installer sur la moto et, une fois assis, je ne touche le sol que de la pointe des pieds. 1,74 mètre, c’est un peu juste pour une selle aussi haute… La présence du démarreur électrique est rassurante car il ne devait pas être toujours évident de trouver la bonne impulsion sur le kick pour vaincre la compression de ce gros monocylindre.

 

  
Démarreur électrique bienvenu


Au démarrage, le moteur distille ses puissantes pulsations sous le réservoir ; un monocylindre de 591 cm³ refroidi par air, ça vit ! Les vitesses s’enclenchent avec précision mais je remarque qu’il ne faut pas descendre trop bas dans les tours. La souplesse n’est pas la caractéristique principale de ce moteur. Sur le dernier rapport, le régime minimum à respecter est de 3000 tours/minute. En dessous, le monocylindre manifeste sa réprobation en dispensant des à-coups. J’avais le souvenir des essais comparatifs de l’époque où la Ténéré prenait le dessus avec un moteur nettement plus conciliant grâce à une souplesse manquante sur la Honda et, malheureusement, je ne peux que constater ce défaut. Très vite, je reste dans la plage 3-5000 tours/minute où le moteur se révèle le plus à l’aise avec des vibrations contenues.

 


Le réservoir est imposant mais, grâce à sa forme bien étudiée, il ne gêne pas. Haut perché, il se fait sentir quand il est rempli avec ses 28 litres, comme me le confirme son propriétaire.


Sur la XLM, la partie-cycle de la XLR 600 avait été modifiée, le cadre étant constitué de tubes de section carrée pour les berceaux et tirants alors que la poutre centrale conservait ses tubes ronds (à noter qu’elle faisait office de réservoir d’huile). Les tubes de fourche possédaient un diamètre accru (41 mm au lieu de 39 mm) et le bras oscillant en aluminium avait une section plus importante.


Qu’est-ce que cela donne à l’usage ? Du positif. La moto s’inscrit naturellement dans les virages et le train avant fait preuve d’une rigueur bienvenue et rassurante. Avec de tels débattements, il convient d’éviter un pilotage trop heurté pour limiter la plongée de la fourche au freinage. Le disque à l’avant se révèle correct pour une moto de 37 ans d’âge mais le tambour arrière m’a semblé bien timide.

 

 
A son guidon, on se sent prêt à affronter les longs parcours avec ce moteur qui tracte l’ensemble avec vigueur mais il ne faut pas oublier de jouer du sélecteur pour éviter les trop bas régimes. Ce qui surprend, c’est l’absence de protection. Haut perché, on est aux premières loges pour prendre de plein fouet les assauts du vent. Est-ce à dire que les motards, à l’époque, étaient plus résistants, acceptant d’effectuer de longs parcours avec des  motos dénuées de toute protection? 

 



L’appel de l’Afrique

Jonathan m’emmène sur les pistes de la région. La moto s’y révèle saine, grâce à des suspensions de qualité qui absorbent avec efficacité les obstacles. La Honda fait malgré tout sentir ses 184 kg et si elle me paraît apte au tout-terrain, c’est à condition d’éviter les parties trop techniques où son poids et sa hauteur de selle constituent un handicap de taille. Lors de la séance photos, son propriétaire m’a toutefois montré qu’avec un bon niveau de pilotage, on pouvait s’autoriser bien des fantaisies.


Il n’empêche qu’elle me semble plutôt destinée aux pistes roulantes que l’on peut trouver en Afrique du nord. Cela tombe bien car, en s’inspirant ouvertement des machines officielles du Paris-Dakar, Honda invitait les propriétaires à partir à la découverte de ces terres éloignées. Et certains n’hésitèrent pas à passer du rêve à la réalité. Je les ai parfois croisés sur les pistes algériennes. C’était une époque, avant la course à l’armement (et au poids!) où les trails monocylindres simples et relativement légers permettaient ce type de voyage.


Car, en essayant cette Honda XLM 600, j’ai eu ce sentiment de chevaucher un passé révolu avec des motos accessibles et une Afrique ouverte aux voyageurs. Nostalgie, quand tu nous tiens ! 

 

 

 

 

 

Achat d’occasion, que vérifier ?


La Honda XLM 600 ne fut pas la moto la plus fiable de la gamme. Son plus gros souci se résumait en quatre lettres : RFVC. C’était le nom donné à la culasse à quatre soupapes radiales avec une bougie en position centrale pour obtenir un bon rendement.
Malheureusement, elle se révéla fragile avec une nette tendance à se fissurer. Elle connut également des problèmes de chaîne de distribution provoqués par un tendeur défectueux.
Questionné sur ce modèle, un ancien mécano de chez Honda habitué à une certaine excellence en ce qui concerne la motorisation chez le premier constructeur mondial, a utilisé le terme de moto « loupée ». Même si le terme peut paraître excessif, il ne fait que refléter une réelle déception pour une moto impatiemment attendue par le réseau.
Sur le marché de l’occasion, la XLM 600 suit la tendance à la hausse actuelle avec des tarifs parfois vertigineux. Est-ce la conséquence d’une certaine rareté? Le prix minimum est de 2500 euros et certains n’hésitent pas à proposer leur moto à plus de 7000 euros pour une machine entièrement restaurée!
Quand on acquiert une moto ancienne, on sait que l’on aura à faire de la mécanique régulièrement. Grâce à internet, on peut glaner des informations précieuses ; ainsi, le groupe facebook dédié à cette moto.

 



Un grand merci à Jonathan Bruneteau pour son extrême disponibilité. Son jeune âge ne l’empêche pas de s’intéresser aux anciennes et son garage accueille de belles motos notamment une rare XR 500. Il possède également une très intéressante chaîne youtube sur laquelle on peut trouver des films de grande qualité avec notamment des virées à moto très bien racontées. J'ai personnellement découvert son site avec l'excellente Transpyrénéenne en 600 Transalp. Un plaisir à visionner! A noter qu'il est photographe professionnel et que certaines photos de l'article (les meilleures, vous les reconnaitrez facilement) sont les siennes. 

 

 

 
Caractéristiques techniques


Prix en 1985 : 26368 francs (soit 4019,77 euros)
Moteur :
Monocylindre 4 temps refroidi par air avec balancier d’équilibrage
Simple arbre à cames en tête entraîné par chaîne silencieuse à tendeur automatique
4 soupapes radiales (RFVC)
591 cm³
44 chevaux à 6500 tr/mn
5 mkg à 5500 tr/mn
2 carburateurs à boisseaux 28 mm
Carter sec, réservoir d’huile dans le cadre
Embrayage multidisque en bain d’huile
5 rapports

Equipement électrique :
Allumage électronique CDI
Alternateur 230 W
Eclairage 2 optiques à iode de 36 W chacune
Partie cycle :
Cadre simple berceau en tubes de section carrée dédoublé sous le moteur
Chasse 110 mm
Suspension avant : fourche à assistance pneumatique de 41 mm de diamètre.
Débattement de 229 mm
Suspension arrière : mono amortisseur Prolink. Débattement de 203 mm
Frein avant : simple disque de 256 mm de diamètre, étrier à pistons jumelés
Frein arrière : tambour de 130 mm de diamètre
Pneus tubeless 3,00X21 AV ; 5,10X17 AR
Dimensions et poids :
Empattement : 1446 mm
Hauteur de selle : 890 mm
Réservoir d’essence 28 litres
Garde au sol : 260 mm
Poids avec pleins (vérifié) : 184 kg

 

 

Cet article a été publié dans la revue Trail Adventure n°30 qui peut être commandée à l'adresse suivante:

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