Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Yamaha Ténéré, la fille du désert - L'initiatrice

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Salon de Paris 1975. Sur le stand Yamaha, trône un nouveau modèle, la XT 500. C'est une époque où commence à se développer une nouvelle catégorie de motos, les trails. Les quatre constructeurs japonais ont senti que ces motos, synonymes d'évasion, pouvaient rencontrer un grand succès.  La moto est en cours de démocratisation, elle devient plus accessible. Les trails rencontrent une grand succès aux Etats Unis. Jusque là, seul Honda avait choisi le quatre temps comme mode de propulsion.

Avec la XT 500, Yamaha rejoint le  premier constructeur mondial  en abandonnant le deux temps qu'il maîtrise parfaitement. Peut-être que les normes anti-pollution plus sévères l'ont poussé à opter pour le quatre temps.

Elle sera en vente sur notre territoire en 1976. Le succès ne se fait pas attendre. Il faut dire que son arrivée coïncide avec la création du Côte d'Ivoire- Côte d'Azur, une épreuve ouverte aux voitures et aux motos, suivie rapidement par le Paris-Dakar, organisé par un ancien concurrent du Côte d'Ivoire- Côte d'Azur, Thierry Sabine. C'est l'occasion d'y voir de nombreuses Yamaha 500 XT, munies de gros réservoirs et de suspensions améliorées. Elles préfigurent celle qui arrivera quelques années plus tard, la Yamaha 600 Ténéré.

Cette mythique épreuve du Paris-Dakar aura vendu du rêve à beaucoup (dont je fais partie). J'ai encore en tête les images de cette course un peu folle qui passait dans des pays africains. J'étais admiratif devant les exploits de ces motards qui, pendant trois semaines, repoussaient leurs limites pour tenter d'arriver sur les bords du lac rose, à Dakar. C'est d'ailleurs une XT 500 qui arrive en tête lors de la première épreuve avec à son guidon un pilote petit par la taille mais grand par son talent et son intelligence de course, j'ai nommé Cyril Neveu.

La machine est lancée. Les performances des concurrents relatées par la presse et par le canal télévisé attisent les envies de virées en Afrique. La XT 500 est un succès commercial.

Le Paris-Dakar se développe, parfois dans la démesure, mais c'est justement cela qui fait sa renommée. Pour ma part, à l'aube de ma rentrée dans le monde de la moto, je m'imagine, un jour prochain, m'élancer moi aussi sur les pistes sablonneuses africaines.  

Voilà quelques  images du Paris-Dakar retrouvées dans mes vieux Moto Journal. En les revoyant, j'ai de nouveau été transporté dans cette atmosphère si particulière de cette course un peu folle. Les visages marqués des pilotes, les motos fatiguées, on sent que, souvent, tout cela est au bord de la rupture. Cette course était déraisonnable et, d'ailleurs, de nombreux accidents mortels eurent lieu, mais je crois que chaque participant avait conscience du risque.

Je me souviens des kilométrages incroyables à parcourir chaque jour. Il était évident que le participant motard se préparait à de longues nuits blanches pour d'abord parvenir à terminer l'étape et ensuite pour remettre en état la moto avant le prochain départ. Il y avait aussi le risque de se perdre dans ces immensités, le vent de sable qui s'invitait parfois pour mettre encore plus de piment à l'épreuve!

J'ai encore en tête les visages, les gueules plutôt des motards, lorsqu'ils arrivaient à l'étape.  Couverts de sable et de poussière, les yeux hagards, ils semblaient revenir de l'enfer.

Il y avait parfois des étapes encore plus difficiles que les autres au cours desquelles les concurrents se perdaient les uns après les autres. Ainsi celle-ci, dans le célèbre désert du Ténéré qui avait donné cet article dans Moto Journal:

" Dialogue surréaliste. A l'arrivée de la spéciale D'Iférouane. La nuit tombe. A huit heures du soir, vingt-cinq motards seulement auront terminé leur "balade" dans le Ténéré.

Dialogue entre Philippe Joineau et Grégoire Verhaegue. Grégoire: "Je voudrais quand même bien savoir l'effet que ça fait d'être sur une BMW à 160, tout seul, dans un désert comme cela.

-Tu sais, moi j'étais à 140.

- Et t'avais pas peur!

- Si j'avais peur.... Tout seul, pendant deux heures, j'ai vu personne, pas une trace, alors toutes les trente bornes, je m'arrêtais, je refaisais un cap, un peu inquiet, mais tu sais, ça fait très bizarre.

- Cela fait une impression démente. 

- Je vais te dire, lorsque je suis arrivé au contrôle, si j'avais vu quelqu'un que je connaissais, je crois que je l'aurais embrassé".

Dialogue parmi tant d'autres. Les visages sont couverts de poussière. Le moral est couvert de fatigue. Gaston est arrivé le premier. Il a encore trouvé le mot pour rire. Mais peu à peu, les rires se sont estompés, pour faire place à des récits de galères, peu à peu les hommes se sont écroulés au bord de la route, sans même parfois prendre le temps d'enlever leurs gants. Dans le Ténéré, il y a eu la "peur", cette espèce de claustrophobie face à la solitude immense. "ça y est, j'ai vu le vrai désert" disait Picco les yeux pleins de rêves. Et les yeux hagards de Jean-Claude Olivier, l'air d'être ailleurs. Dans le Ténéré, la peur, et peu à peu la fatigue. Toute la nuit, ils terminent à l'énergie, telle Véronique Anquetil, écroulée dans le col de Temet, qui rentrera dans les phares d'une voiture de presse chaleureuse. Il fait nuit et beaucoup dorment dans le sable. Comment raconter ce qui devait se passer dans le crâne de Serge Bacou, allongé à côté de sa Yamaha, plus d'essence, rallye perdu, encore perdu, comment raconter la détresse qui a dû l'inonder alors.

Et ce n'était pas fini. Dans la liaison de trois cents kilomètres entre Iférouane et Agadès, certains vont s'endormir au guidon. Raphael de Montremy fait la plus belle culbute de sa vie ... A quatre heures du matin, autour du camion d'Africa Tours, la faim regroupe les motards. Les bouchées sont lentes. Et pourtant ceux-là sont des veinards. Pensez, ils sont déjà là!"

Je sais que mon goût pour les voyages lointains (et souvent africains) a trouvé sa source (entre autre) dans cette épreuve que je suivais, chaque année, jour après jour, avec passion. J'ai reconnu, à travers les photos publiées, quelques endroits où je suis passé (beaucoup plus lentement!), quelques années plus tard ( Hoggar, col Tin Taradjeli). 

 

La photo, un peu plus bas, des deux Allemands, en train de dormir dehors près de leur side-car, dans leur sac de couchage, résume à elle seule ce que pouvait représenter un Paris Dakar pour la grande majorité des pilotes privés. Une très grande aventure.

 

 

Voilà l'itinéraire de 1983 pour avoir une idée précise des difficultés rencontrées par les concurrents avec des kilométrages parfois complètement déraisonnables; ainsi 617 kilomètres entre Dirkou et Agadez, avec la traversée du Ténéré et beaucoup de sable à la clef.

 

 

 

 

 

9 janvier 1982: étape du Paris-Dakar annoncée ainsi: "401 km qui débutent pas 100 km de tôle infernale et qui se poursuivent par une piste cassante et très sinueuse dans des montagnes arides".

Décembre 1990: même itinéraire pour ma XLV 750 mais trois jours pour parcourir les 400 km à 15 km/h de moyenne.... Le Paris-Dakar, c'est un autre monde!

Les deux photos: passage du col Tin Taradjeli après le plateau du Fadnoun.