Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Yamaha 700 Ténéré: un trail, tout simplement.

La longue attente précédant l'arrivée de la Yamaha 700 Ténéré m'avait mis l'eau à la bouche. Irréductible défenseur du trail depuis que je l'ai adopté en 1989 avec l'achat de ma Honda 750 XLV, je suis intimement persuadé que cette catégorie de motos ne trouve son sens que dans les moyennes cylindrées. 

J'ai assisté à son évolution au fil des années. Après le grand succès des monocylindres dans les années 70-80, le moteur bicylindre s'est invité et, avec lui, l'augmentation des cylindrées et du poids. Parallèlement, les capacités tout-terrain ont régressé. Les qualités routières, par contre, devenaient intéressantes et permettaient de parcourir de longues distances avec un excellent niveau de confort tout en conservant une polyvalence certaine permettant de s'aventurer sur les pistes que l'on peut parfois rencontrer en voyage dans des pays lointains. 

Malheureusement, la tendance depuis quelques années fut de proposer des motos encore plus grosses, mieux équipées mais qui s'éloignaient de plus en plus des racines du trail. Paradoxalement, ces constructeurs ne cessent de nous présenter ces motos dans un environnement où la route a disparu. La multiplication de stages chapeautés  par les constructeurs me fait sourire. On y voit des motards tenter de maîtriser des motos de 250 kg sur des terrains boueux, dans des ornières plus destinées à accueillir mon VTT.... 

Après avoir longtemps espéré l'arrivée de celle qui succèderait à la Transalp, j'avais fini par baisser les bras. 

Il était donc évident pour moi que j'allais essayer cette nouvelle Yamaha dès que l'occasion se présenterait. Sur le papier, elle proposait ce que j'attends d'un trail.

 

 

Jeudi 5 décembre 2019. Une journée libre et une météo favorable m'incitent à aller rendre visite à la concession Yamaha de Pau. La Ténéré est là et c'est un modèle d'essai. 

La moto est haute et fine. J'actionne le bouton de démarreur. Le bicylindre se réveille dans un bruit bien plein. Je l'enfourche. Bigre, je suis haut perché, sur la pointe des pieds (je mesure 1,74 m).

Première, je relâche le levier d'embrayage. La moto révèle immédiatement un très bon équilibre à basse vitesse alors que je quitte le parking de la concession. 

Je m'élance sur la route et monte les rapports. Le sélecteur est doux et précis. Après quelques centaines de mètres, je sais que je vais aimer cette moto. Il y a trois ans, j'avais senti dès mes premiers tours de roue que la Yamaha Tracer 700 ne me conviendrait pas.

Là, je perçois immédiatemment les progrès réalisés par Yamaha sur le moteur. Beaucoup plus doux, sans aucun à-coup à la remise des gaz, il commence à me montrer ses qualités. Sous mes fesses, je sens une selle ferme et étroite. Le pare-brise (non réglable) offre une protection moyenne contre le vent. Je me laisse glisser sur le boulevard en sixième en appréciant le velouté du moteur.

Clignotant à gauche pour trouver des routes plus sinueuses et remuantes.

Premier test pour les suspensions, les trois ralentisseurs plutôt rudes du village d'Artiguelouve. Impeccable! La moto absorbe les chocs, je n'ai même pas besoin de me lever de la selle. Cela a du bon, les grands débattements.

J'attaque la montée. Je sens cette légère résistance à la mise sur l'angle propre aux trails munis d'une roue de 21 pouces. Pour ma part, ce n'est pas un défaut, juste une caractéristique que j'apprécie beaucoup, au même titre que la plongée au freinage que je note rapidement. Il n'y a pas de doute, je suis bien au guidon d'un trail! J'ai le souvenir d'une KTM 790 ADventure sur le même tronçon qui rentrait avec gourmandise dans les virages serrés, mais qui incitait un peu trop à une conduite sportive. Là, avec cette Yamaha, je vois que je peux musarder, le moteur est vraiment une réussite, il reprend dès les plus bas régimes, à 2000 tours/minute, sans l'ombre d'une résistance. Je me limite naturellement à 5000 tours/minute, même si je sens que le moteur ne demanderait qu'à monter plus haut en régime.

Je retrouve avec plaisir une moto qui aime être conduite (pilotée) au guidon et cela me correspond tout à fait. Sur quelques freinages appuyés, j'ai dans un premier temps l'impression d'un manque de vigueur avant de réaliser que c'est cette plongée importante au freinage qui donne ce sentiment.

Devant moi, il y a un tableau de bord qui ne m'enthousiasme pas, esthétiquement parlant mais qui, avec son implantation verticale, est très lisible.

La Yamaha poursuit son exercice de séduction. Je m'y sens bien dessus. J'emprunte une petite route étroite pour les besoins de quelques photos.

 

Le demi-tour que j'effectue un peu plus loin révèle les contreparties de ces grands débattements de suspensions. Elle est bien haute cette moto et, malgré sa finesse, je réalise la manoeuvre avec un brin de tension.

J'arrive à Lacommande où  je fais demi-tour. Le rayon de braquage est bon. 

Sur le chemin du retour, j'apprécie toujours autant cette boîte de vitesses précise et rapide. J'aime aussi la mise sur l'angle progressive et cette fourche qui, en absorbant les inégalités de la route, génère de la confiance et de la sérénité. Elle est évidente cette moto, équilibrée, avec un moteur de 74 chevaux largement suffisant.

Avant de monter dessus, je m'étais posé quelques questions en voyant cette selle si fine, ce tableau de bord peu séduisant, cette hauteur importante mais, maintenant que je roule, je n'ai qu'une envie, c'est d'enchainer les virages et de sentir le bicylindre tracter avec vigueur mais sans aucune violence à la réaccélération.

De temps en temps, mon mollet droit s'appuie sur le carter du moteur un peu trop proéminent. 

Sur la ligne droite du retour, je me stabilise à 110 km/h à 5000 tours/minute.

Je remercie le concessionnaire en lui faisant part du plaisir que j'ai éprouvé. Rien à voir avec ma déception au guidon de la Tracer 700, simple roadster surélevé et plutôt rétif sur les routes bosselées.

Il est clair que j'ai été séduit par cette Yamaha 700 Ténéré. Il faudrait bien sûr parcourir plus de kilomètres pour avoir un point de vue plus précis notamment sur son confort mais d'ores et déjà  je peux dire qu'il émane de cette moto un doux parfum de réussite.

Le seul bémol est cette hauteur de selle d'autant que le concessionnaire m'a indiqué que ce modèle avait été rabaissé avec une biellette adaptée (- 2 cm). Je n'ose imaginer ce que ça donne avec celle d'origine!  

 

 

Quelques heures plus tard, je suis à Tarbes. Je fais un petit détour chez le concessionnaire Yamaha. Je souhaiterais vérifier la hauteur de selle d'origine. Le concessionnaire me propose un essai. Difficile de refuser....

Installé sur la moto, je suis sur la pointe des pieds, vraiment sur la pointe des pieds. Heureusement que la selle est fine!

Allez, c'est parti!

Je pars sur les hauteurs, jusqu'à Astugue. Je sais y trouver les routes à virages que j'aime tant. La moto s'y révèle à son aise, avec ce moteur volontaire qui n'impose pas son rythme mais laisse le pilote aux commandes. Il y a toujours cette inertie dans la mise sur l'angle qui différencie cette Yamaha des motos plus routières. Mais cela ne me gêne aucunement. Dans les courbes moins prononcées que j'aborde avec une certaine vitesse, elle fait preuve d'une excellente stabilité. Je rentre dans une portion de route au revêtement défoncée. Je trouve que l'amortisseur réagit un peu plus fermement que ce matin, sûrement une question de réglage.

Droite, gauche, la moto apprécie d'être conduite au guidon et cela tombe bien car c'est un de mes exercices favoris!

Dans la descente de Loucrup, je hausse le rythme. Lors de quelques freinages plus appuyés, je trouve que la fourche s'enfonce un peu trop. C'est peut-être la limite d'une orientation tout-terrain clairement affirmée par Eric de Seynes. Ce dernier a même reconnu lors de la présentation de la moto à la presse qu'il était à l'origine du retard de ce modèle. Il avait trouvé que la première mouture était trop proche de la MT 07 et avait demandé à son équipe de revoir sa copie. Quant au frein arrière, il répond présent mais le carter droit proéminent m'oblige à tordre mon pied dans une position peu naturelle pour appuyer sur la pédale. Pas terrible sur le plan ergonomique!

Tout à l'heure, dans le village d'Astugue, le demi-tour fut effectué avec une certaine appréhension sur cette petite route en devers. La hauteur excessive de la selle est pénalisante dans de telles circonstances.

C'est le chemin du retour. Je reste volontairement sur le 6ième rapport dans les traversées des villages à 50 km/h. Le moteur ne bronche pas et reprend avec souplesse et même une certaine vigueur dès ces plus bas régimes.

Une ligne droite. Je me stabilise à 130 km/h à 6000 tours/minute ( le même régime que sur ma CB 500 X depuis l'installation du pignon de 16 dents). Cela confirme ce que j'avais noté ce matin, la protection contre le vent est moyenne. Comme souvent, l'achat d'une bulle plus haute (voire plus large comme le propose l'équipementier Givi) sera à envisager pour les gros rouleurs.  A cette vitesse, je ressens quelques vibrations s'installer alors que, jusqu'à maintenant elles étaient inexistantes.

Je rentre de mon essai aussi emballé que ce matin. Mais ces quarante cinq minutes supplémentaires m'ont permis de mieux cerner la moto. Son orientation assumée vers le tout-terrain impose une hauteur de selle qui peut s'avérer handicapante au quotidien. C'est pour moi le plus gros défaut qui m'a rappelé mon petit essai de l'Africa Twin Adventure Sports en mars 2018. J'avais trouvé la moto excellente mais si haut perchée.... D'ailleurs, sur la nouvelle 1100 Adventure Sports, la hauteur de selle a diminué de 50 mm. L'étroitesse de la selle à l'arrière promet des moments difficiles au passager (ou à la passagère). La fourche plonge fort sur les freinages appuyés mais il doit être possible de la régler. 

En conclusion, c'est un trail tel qu'on l'imaginait il y a quelques années. Avec de multiples qualités et quelques petits défauts qui pourront se révéler rédhibitoires pour certains ou accessoires pour d'autres. Un essai pourra éclairer votre lanterne.

Une chose est sûre, elle est sans concurrrence dans cette gamme de prix. Et je félicite Yamaha d'avoir conçu cette moto qui n'a pas cédé aux sirènes du "toujours plus". Cela donne une moto vraiment très équilibrée. J'espère qu'elle va provoquer des réactions chez la concurrence. Tous les motards ne veulent pas (ou n'ont pas les moyens d'acheter) des trails de 1100 cm3 ou plus à des tarifs frisant voire dépassant largement les 15 000 euros. 

Dis, Monsieur Honda, quand est-ce qu'elle arrive la petite Africa Twin? Ou Transalp, je te laisse le choix du nom!