Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Huitième partie: Honda CB 500 X, ma petite Africa Twin - Liberté retrouvée (2ième épisode)

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Gros rouleur, ce confinement de deux mois a laissé des traces. Depuis sa fin, j'ai soif de kilomètres comme ce n'est pas permis. Heureusement que j'habite dans une région si proche des montagnes et avec une multitude de routes sinueuses. Ainsi, le rayon de 100 kilomètres imposé par le gouvernement permet des virées malgré tout intéressantes. J'ai donc remis le couvert pour le jeudi de l'Ascension. Cette fois-ci, j'étais accompagné par Yann et sa Ténéré 660 dont il est tombé amoureux.

J'arrive chez lui à 8 H30 après 50 petits kilomètres pour me mettre en jambes jusqu'à Barbazan-Debat. Le ciel est gris mais je sens que le soleil ne va pas tarder à faire son apparition. Après un petit thé, il est temps de prendre la route. Nous montons sur les coteaux qui permettent de rejoindre Bagnères de Bigorre. Une bonne entrée en matière sur cette route qui serpente alors que le temps se met progressivement au beau. 

Puis, nous empruntons la vallée de Campan. Je suis heureux. C'est très souvent le cas sur ma moto mais aujourd'hui a un goût particulier, celui d'un espace de liberté qui s'ouvre de nouveau à moi. La dernière fois que j'avais eu ce sentiment, c'était à l'issue de douze (très) longs mois d'armée à Mont de Marsan. J'ai le souvenir précis de la barrière de la base aérienne qui s'était soulevée devant ma Honda 125 CG pour la dernière fois. J'étais libre!

Après Sainte Marie de Campan, la montée du col du Tourmalet commence vraiment. J'écoute les pulsations du bicylindre que je maintiens dans la zone basse du compte-tours. Il est suffisamment vaillant pour ne pas avoir à le solliciter trop haut dans les tours. Et je n'aime pas l'entendre hurler. Peu de circulation ce qui permet de rouler à son rythme sans être interrompu par des véhicules trop lents. C'est la première fois que je roule avec Yann et je note avec satisfaction que nous avons la même façon de rouler. Ni lentement, ni sportivement. Après Artigues, la pente s'accentue mais le moteur continue à tracter avec bonne volonté.

Nous traversons La Mongie, la station où j'ai appris à skier, à l'âge six ans. A l'époque, je ne réalisais combien elle pouvait être moche, cette ville artificielle posée au milieu de nos belles Pyrénées. Encore quelques kilomètres avant d'atteindre le sommet, les virages se font plus serrés obligeant à rétrograder en seconde pour bien relancer la mécanique. Tiens, quelques vaches ....heu non, ce sont des lamas, se promènent. Arrêt obligatoire pour partager nos chocolatines avec eux.

Puis, c'est la descente, un domaine dans lequel ma moto excelle. Peu importe sa faible puissance, c'est son agilité qui prime alors alliée à une facilité de conduite totale. Elle est imperturbable dans ces conditions, répondant au doigt et à l'oeil d'une simple poussée du guidon pour l'engager dans les nombreux virages avec parfois une impulsion un peu plus prononcée sur la pédale de frein permettant une plongée plus incisive à la corde. Un régal dont je me lasse pas! Je n'apprécie pas devoir me battre avec ma moto, j'aime quand , au contraire, elle me facilite la vie. A ce rythme, nous sommes rapidement en vue de Luz Saint Sauveur où la pente s'adoucit mais, et c'est tant mieux, pas la sinuosité de la route. Nous nous en délectons en inscrivant nos deux motos dans les courbes plus ou moins prononcées avec la falaise rocheuse qui délimite la route à droite et le parapet à gauche, deux signes suffisants pour inciter à garder la tête froide.

Arrêt dans une station d'essence juste avant Argelès-Gazost. La sobriété de ma moto me ferait presque aimer ces endroits-là. Aujourd'hui, je remets 8,56 litres après 307 kilomètres parcourus, soit 2,79 litres aux 100. Je surprends ma moto à rosir de fierté devant sa copine du jour, l'imposante Ténéré de Yann.C'est d'ailleurs le moment pour moi de vérifier si, même avec la selle haute retirée par ce dernier, j'arrive à m'installer dessus. Je soulève bien haut la jambe droite, m'installe sur la selle et j'ai les deux pieds par terre ....heu je voulais dire les deux pointes de pied ....quand je dis les pointes, c'est vraiment les pointes! Seule solution, le déhanchement pour poser un pied bien à plat. Plutôt choisir le droit car sinon, c'est problématique pour actionner le sélecteur afin de démarrer!

C'est parti, avec un pare-brise si haut que mon regard ne passe pas au dessus. Je traverse Argelès-Gazost un  brin tendu, attentif à ne pas descendre trop bas dans les tours. Je sens que le gros monocylindre n'aime pas ça. Enfin, la route pour nous diriger vers le col du Soulor. La dernière fois que j'ai pris le guidon d'un gros monocylindre, c'était celui de la BMW F 650 ST, en 1997 ou 1998. Je n'avais pas aimé le moteur trop rugueux. J'espérais qu'avec le temps, ce type de moteur se serait adouci mais, à priori, ce n'est pas suffisant pour me séduire. J'ai un peu de mal avec ce monocylindre qui me fait régulièrement savoir que j'aurais dû rétrograder en me gratifiant de quelques à-coups. A quelques reprises, un petit coup  d'embrayage me permet d'estomper le phénomène mais ce type de fonctionnement ne me convient guère.

Non, décidément, il se confirme qu'il me faut au moins deux cylindres pour me contenter, d'autant que les vibrations qui se répercutent sur la moto ne me procurent pas non plus de joie particulière. Heureusement, la partie cycle répond présent, avec cette légère inertie à la mise sur l'angle que j'apprécie personnellement beaucoup suivie immédiatement par une agilité très agréable. En outre, les suspensions absorbent bien plus les gros chocs que celles de ma CB 500 X. Cela a du bon, les grands débattements. Je n'arrive pas à me relâcher complètement dans les nombreux virages serrés où le troisième rapport est parfois un peu juste pour passer en toute sérénité; je sens que ça renâcle un peu dans le cylindre. Rétrograde! semble me dire ma monture qui doit me trouver bien timoré comparé à son propriétaire habituel.

Petite halte au sommet du col du Soulor.

Je fais part de mes réserves à Yann. Je m'y attendais un peu mais j'espérais que l'injection aurait plus gommé que cela la rugosité du moteur. Yann a trouvé la Honda CB 500 X telle qu'il l'attendait. Joueuse, facile à piloter. Il trouve que c'est la moto qui se rapproche actuellement le plus de la Transalp 600. Hormis les qualités en tout-terrain, je le rejoins sur ce point. Il lui manque juste l'équipement proposé par le préparateur anglais Rally Raid mais le coût est élevé.

Je retrouve avec plaisir ma Honda pour rejoindre le col d'Aubisque sur une portion de route où toute velléité d'attaque est remisée dans un coin de son cerveau. Le grand vide à droite de la route est très persuasif! 

Puis c'est la descente jouissive jusqu'aux Eaux Bonnes, dix-huit kilomètres à balancer à droite, à gauche la moto en me délectant de ce train avant si agile et sécurisant. Je suis derrière Yann qui a pris les commandes. La Yamaha enchaîne les virages en souplesse; c'est beau un motard en phase avec sa moto. 

 

Après Laruns, nous trouvons pendant quelques kilomètres notre première vraie ligne droite depuis le départ mais, heureusement, cela ne dure pas. Yann bifurque sur la gauche, direction le col de Marie Blanque et me fait signe de passer. Le plateau de Bénou nous accueille mais la vision de très nombreux véhicules nous incite à poursuivre notre chemin afin de trouver un endroit plus calme pour manger. Dans la descente du col, j'aperçois un chemin au milieu des arbres. Nous l'empruntons et nous nous arrêtons un peu plus loin dans un endroit paisible. 

Nouveau départ et descente jusqu'à Escot sur une route bosselée. Je me régale et j'ai le sentiment que Yann a aussi la banane sous son casque.

Nous rejoignons le col d'Ichère, puis celui de Labays. Il convient d'être prudent. C'est très étroit, les gravillons s'invitent parfois mais j'aime cet endroit peu fréquenté.

Nous arrivons sur la route qui mène au col de la Pierre Saint Martin que nous quittons vite pour nous diriger vers Sainte Engrace. Sur cette portion, c'est du bonheur, tout simplement dans cette longue descente variée. Le paysage est magnifique. Nous croisons un groupe de motards "dynamiques"; comme souvent dans ce cas, ceux en queue ont tendance à forcer pour suivre la cadence. La sortie du virage des deux derniers est un peu tronquée et je serre à droite pour leur laisser un peu de place.

Petite pause pour se désaltérer car la chaleur s'est bien installée. 

Il est temps de rebrousser chemin. Les courbes s'allongent, la vitesse augmente. Montory, Lanne en Baretous, Aramits puis Oloron Sainte Marie. Pour terminer notre virée en beauté, je laisse de côté l'itinéraire "normal" pour aller à Pau. J'opte pour la route de Lasseube et de Lacommande. Après la traversée de ce petit village, sans aucune préméditation, voilà que j'ai envie de hausser le ton dans la descente menant à Artiguelouve, une manière de conclure dans la joie cette très belle journée.

Yann doit rentrer chez lui. Un bref au revoir à Pau et je rejoins la maison plein d'énergie. 

Qu'il fut bon ce déconfinement motard!